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Shima la petite bonne -6-

 

Le voyage

_Durant tout le trajet ils restèrent quasiment silencieux. La 106 Peugeot que Kaliba avait consenti après une longue palabre à louer pour 17.000 frs CFA toussotait en cahotant sur la piste qui maintenant succédait aux routes goudronnées.
Voila une bonne heure qu'ils n'avaient pas croisé de voitures, ni de "cars rapides" mais seulement plusieurs troupeaux de moutons et de cabris. Une poussière rougeâtre les enveloppait.
La piste était bordée d'arbustes rabougris.
Des gouttelettes de sueur perlaient sur le front de Shima. Le toubab eut une pensée attendrie pour l'Afrique luxuriante, l'humidité, les marigots, les crocos, les barracudas, la savane et ses grands fauves. Il se promit d'aller un jour jusqu'à Tamba Kounda, il y avait, là bas, une très belle réserve. Ici, c'était le désert, lunaire, la sécheresse impitoyable, la nudité torride De temps à autre cependant quelques manguiers se dressaient vers le ciel, bleu, cruel.

Ils arrivèrent en tout début d'après-midi dans le village de Shima. Leur voiture fut aussitôt entourée par une ribambelle d'enfants, beaucoup semblaient connaître Shima. Elle avait retrouvé son sourire et parlait en wolof avec une volubilité que le toubab ne lui connaissait pas.

Un groupe d'adultes s'avançait vers eux Un homme de grande taille le précédait, il s'aidait d'une canne pour marcher. Voici mon papa, dit Shima et elle fit les présentations avec une certaine solennité. Le toubab se défendit de sourire. Il ne voulait pas l'humilier.

Le père de Shima lui parut bien plus âgé qu'il ne l'avait imaginé et ne parlait que quelques mots de français. Il dit que tu es le bienvenu, expliqua-t-elle, il espère que tu es en bonne santé et que les tiens le sont aussi, tu devras les saluer de sa part. Il dit également que même s'il n'y est jamais allé; il aime beaucoup la France, il connait ses footballeurs et il les admire. Le toubab se confondit en remerciements et dit lui aussi tout le bien qu'il pensait du Sénégal, un modèle pour l'Afrique précisa-t-il avec une componction qui lui fit un peu honte. Mamadou, le père de Shima avait quatre épouses dont l'une ne devait guère avoir plus de 20 ans. Le toubab s'enquit de savoir laquelle des trois autres était la mère de Shima.

-Ma mère est morte à ma naissance, expliqua-t-elle sans plus d'émotion

Entre-Temps on avait installé une très grande natte au pied d'un arbre énorme dont le feuillage répandait une ombre bienfaisante sur la place du village. Un baobab sans doute, se dit le toubab, sans oser le demander dans la crainte, qu'il jugea lui-même puérile, de paraître ridicule. On lui donna un coussin afin qu'il puisse s'allonger et y poser sa tête. Les femmes apportèrent des beignets frits dans l'huile et abondamment sucrés, des mangues et des petits gâteaux qui ressemblaient à des madeleines. Shima lui donna une carafe d'eau.

-Pense à ta pilule, lui dit-elle. Il lui adressa un regard reconnaissant. Les petites pilules pour désinfecter l'eau. C'était la seule précaution d'hygiène élémentaire qu'il prenait car il s'était fait une règle de vivre comme les indigènes. L'après-midi passa languissante. Shima était retournée à la voiture pour chercher le cola qu'elle offrit à son père, deux paquets de bonbons que les enfants se partagèrent à grands renforts de cris et de gesticulations, et quelques fanfreluches qu'elle ait achetées avant de partir chez le libanais. Une grande partie de son salaire a du y passer, pensa le toubab. Bien sur, il aurait pu la payer un peu mieux, mais paradoxalement cela n'aurait pas été très bien vu dans le village, il convenait de respecter les règles, l'ordre établi.

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